Flexibilisation : différenciation et inclusion

Flexibilisation : différenciation et inclusion, Didier Paquelin, vendredi 13 mai, 10h30-12h10, Université de Laval

Didier Paquelin est professeur et titulaire de la chaire de leadership en pédagogie de l’enseignement supérieur, au Département d’Études sur l’enseignement et l’apprentissage, Université Laval (Canada).

Face à l’évolution des publics, des besoins du monde socio-économique et à l’accélération du numérique, D. Paquelin s’interroge sur la transformation des pratiques pédagogiques s’inscrivant de plus en plus dans un paradigme holistique. Dans cette dynamique de co-construction, D. Paquelin présente et analyse plusieurs dimensions dans leurs singularités et complémentarités. Une question principale guide sa présentation : « Comment dans un monde en mouvement, les établissements de l’enseignement supérieur peuvent-ils s’adapter, penser et mettre en acte un renouveau pédagogique pour répondre à l’évolution des attentes et des besoins des étudiants, du monde socio-économique et culturel ? »

Profil des apprenants en 2022

Didier Paquelin souligne que l’enseignement supérieur doit passer « d’une logique de l’offre à une logique de co-design des parcours singularisés qui prennent en compte les attentes et les besoins des étudiants ».

En effet, les défis et les enjeux sont liés à l’évolution des publics, qui doivent tout autant acquérir des connaissances qu’apprendre à réfléchir et à se documenter. Les générations changent, et il faut s’adapter.

Aujourd’hui, les profils des étudiants sont très diversifiés : ce ne sont plus les étudiants traditionnels, il n’y a plus une réalité étudiante mais bien plusieurs. Certains ont des besoins particuliers, leur parcours ne sut pas une ligne droite, ils peuvent reprendre des études, avoir des responsabilités familiales ou tout simplement une culture différente. Il est important de prendre en compte la réalité plurielle de chaque étudiant puisqu’il n’y a plus un modèle-type d’étudiant. Chaque étudiant pourra fixer ses propres objectifs, et il est plus que nécessaire de les accompagner afin que chacun trouve sa place et réussisse à sa façon. La diversité des étudiants et le monde contemporain permettent la co-existence de plusieurs manières de réussir à l’université. Il est important de définir avec l’apprenant les différents degrés de liberté dont il souhaite disposer dans le cadre de sa formation, et l’aider à esquisser son propre chemin personnel à l’intérieur de ce même cadre : c’est la flexibilisation !

« Vous avez dit flexibilisation » ?

Pour ce spécialiste de la pédagogie en enseignement supérieur, la flexibilisation serait un élément intrinsèque de l’offre de formation en portant sur le temps (rythme, durée), sur l’espace (campus, hors campus), sur les modes d’apprentissage (individuel, collectif) et les objectifs de formation. Il propose cette définition : « La flexibilisation peut être définie comme un processus par lequel la possibilité est explicitement reconnue et donnée à l’apprenant d’opérer des choix sur certaines dimensions de l’organisation pédagogique d’un parcours de formation. Elle permet la personnalisation de son propre cheminement en fonction de ses besoins de développement personnel et professionnel, et des attentes sociétales. Elle participe au renforcement de l’engagement et de la persévérance des étudiants dans leur propre projet de formation sans « déficit d’apprentissage ». Ainsi, il serait bon de revoir les normes qui organisent les parcours pour proposer plusieurs choix à l’étudiant afin de le guider, soutenir et « l’accompagner vers la réussite. »

Trois niveaux de flexibilisation

Afin de lier le suivi individuel des étudiants et les cours, et donc de prendre en compte l’étudiant comme une personne-étudiante (et donc de donner un sens pédagogique au suivi individuel), la flexibilisation se déroule sur trois niveaux :

au niveau macro : il s’agit de reconnaître les spécificités du parcours de chaque étudiant·e, en lui permettant d’avancer à son rythme, d’abandonner un cours (l’abandon est en effet considéré comme une « composante dynamique et positive » du chemin de l’étudiant·e), d’emprunter une formation passerelle, de voir ses acquis reconnus, ou au contraire de procéder à une inscription inversée, c’est-à-dire de s’inscrire à une formation d’un niveau académique inférieur au sien mais avec d’autres spécialités) ;
au niveau meso : il s’agit d’adapter le format des cours afin que la flexibilité s’applique également au niveau de la classe, ce qui permet de concilier la gestion du groupe et la gestion des individualités, en proposant plusieurs modalités de cours, comme la bi-modalité, l’hybridation et la co-modalité ;
au niveau micro : il s’agit de rendre les activités d’enseignement flexibles, en les diversifiant pour un même objectif, en les alternant, et en variant les modes d’évaluation.

Vers une « perspective écologisante »

Cette flexibilisation serait à envisager dans une « approche globale » intégrant les différentes dimensions de l’offre pédagogique comme la situation des acteurs au quotidien. Cette flexibilisation intègre et respecte à la fois les nombreuses « dimensions individuelles, collectives et institutionnelles ».

Prise en compte de la personne étudiante

D. Paquelin insiste sur ce point : « Les étudiants font partie de la solution ! » Par exemple, les étudiants en première année peuvent choisir leur EDT, leur cours, format (présentiel, distanciel synchrone ou asynchrone…), les méthodes d’enseignement… Il souligne qu’il est important de prendre en compte « la vie à côté des étudiants» ». À l’université de Laval, on prend en compte la distance : par exemple, à plus de 40 minutes de trajet, on peut suivre les cours chez soi. La devise de l’université de Laval pourrait être celle-ci : « Venez comme vous êtes et suivez les cours en présentiel ou/et en distanciel !»

« Vivre et agir en temps d’incertitude : repenser la forme universitaire »

La pandémie liée au SARS-CoV-2 agit comme une sorte d’effet loupe des établissements supérieurs. Elle met en surbrillance à la fois les dysfonctionnements et les fonctionnements. Cette pandémie permet de revoir à la fois les pratiques pédagogiques et « les configurations spatio-temporelles de l’acte pédagogique et sa conception (design) toute entière ».

Conclusion

Pour conclure, D. Paquelin rappelle que l’enjeu actuel est celui de « la transition vers une organisation davantage centrée sur le sujet apprenant ». Il propose trois mots clés pour s’engager dans cette flexibilisation :

SOUPLESSE, OUVERTURE et RESPONSABILISATION

À retenir :

Proposer des choix
Respecter l’équité
Personnalisation
Engagement
Persévérance
Co-modalité sans déficit d’apprentissage
Réussite plurielle

Pour aller plus loin :

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03251001/document
https://www.enseigner.ulaval.ca/sites/default/files/01-flexibilisation_mai_2017.pdf
https://www.erudit.org/fr/revues/enjeux/2020-v7-n2-enjeux05655/1073359ar/
https://www.refad.ca/documents/Panorama%20des%20pratiques%20en%20FAD%20au%20Canada%20francophone.pdf
https://eformation.hypotheses.org/1215

Rencontre avec Didier Paquelin Cette page appartient à la collection « Journée 5 - LAVAL ».

Cecile Dolbeau-Bandin 25 mai 2022, 18:54

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Cecile Dolbeau-Bandin
25 mai 2022, 18:54